Doullens, tout au nord de la Somme, à quelques kilomètres du Pas-de-Calais, fut longtemps située à la frontière du royaume. La ville fut le théâtre de nombreuses guerres et invasions jusqu'en 1944, date à laquelle elle souffrit de bombardements alliés.
Malgré tout, Doullens aligne encore de belles maisons des 17 et 18ès à l'architecture caractéristique en brique et pierre et de nombreux monuments dont une imposante citadelle.
des briques et de la pierre, rue du Commandement Unique
La citadelle justement, située à l'entrée sud de la ville quand on vient d'Amiens sera la première étape de notre promenade. Citadelle qui comporte en réalité deux citadelles !
La première fut construite sur ordre de François Ier, qui voulait protéger les frontières du royaume. Il fit appel à un italien, Antonio de Castello dans les années 1520-1530 pour édifier un ouvrage en grès, protégé par quatre bastions "en as de pique".
La seconde a été commencée en 1599 (et achevée vers 1650) à la demande d'Henri IV qui désirait moderniser, renforcer et adapter la citadelle pour faire face aux progrès de l'artillerie. Cette deuxième citadelle fut construite en brique et en pierre, par Errard de Bar le Duc (qui construisit également à la même période la citadelle d'Amiens) et comprend trois grands bastions protégés par des demi-lunes.
Après le traité des Pyrénées en 1659 et l'annexion de l'Artois, Doullens voit les frontières du royaume repoussées au nord et la citadelle perd de son importance stratégique. Elle devient alors un lieu de détention.
Hôpital militaire en 14/18, camp d'internement en 39/45, la citadelle sert en 1962 de refuge à des familles harkis après la guerre d'Algérie qui seront les derniers occupants du site. La citadelle est ensuite laissée à l'abandon pendant une dizaine d'années : la végétation envahit les lieux et les bâtiments tombèrent en ruines.
Au début des années 1970, une association entreprend de sauver la citadelle qui est finalement achetée par le département en 1978. On peut la visiter durant l'été.
Et après la citadelle, direction le centre-ville !
Pour notre parcours nous démarrons sur la place de l'église, occupée à l'est par l'église Notre-Dame.
Une première église fut construite ici en 1211. Détruite en 1522 (puis à nouveau en 1595 lors de l'invasion de la ville par les espagnols) elle est restaurée puis reconstruite (et ce pendant près d'un siècle).
Primitivement dédiée à Saint-Martin, elle passe en 1789 sous le vocable de la Vierge (qui est la patronne de la ville) ; le 19ème siècle verra s'opérer de nombreux travaux qui vont lui donner sa physionomie actuelle (la façade néogothique notamment qui fut construite en 1884). Endommagée en 39/45, elle a été restaurée après la guerre.
Construite selon un plan en croix latine, elle comprend une nef à collatéraux, un transept saillant et un choeur à chevet plat (choeur reconstruit en 1721 après son écroulement). L'intérieur, du fait de l'absence de fenêtres hautes est assez sombre. Le mobilier remonte aux 19 et 20ès, on retiendra le baptistère, dû àu sculpteur Léon Lamotte (1957), entouré d'une grille par Descure, les vitraux réalisés par Le Chevalier en 1951 et surtout la mise au tombeau (l'une des plus belles de la région) installée dans une chapelle flanquant le transept sud.
Elle a été aménagée en 1583 grâce à la générosité de Jean Bouliet et de Nicolas Roussel. Les personnages sont grandeur nature, logés dans un enfeu richement orné dans le style renaissance.
Quittons l'église et empruntons la rue de l'église sur la droite jusqu'à la rue du Bourg où se dresse le beffroi et son étonnante toiture.
(sur le beffroi, on pourra lire l'article consacrés aux beffrois de la Somme classés à l'Unesco)
On emprunte ensuite la rue Clémenceau ; en mai 1915, le maréchal Joffre habita au numéro 4. Parvenus au bout de la rue, on tourne sur la place Andrieu, non sans avoir jeté un coup d'oeil aux jolis bâtiments de l'ancienne Sous-Préfecture (18 et 19ès).
Et puis on parcourra la place Eugène Andrieu où se tenait autrefois un marché aux bestiaux, elle offre un bel éventail de constructions du 17ème au 20ème siècle, modestes -mais charmantes- maisons ou demeures de maître. On remarquera sur la droite un bâtiment en briques construit à la fin des années 1930 et qui devait servir de bains-douches...mais qui fit office d'imprimerie pour un journal local avant de devenir une maison d'habitation et à côté de l'ancienne caisse d'épargne près de laquelle on remarque des vestiges de ce qui était l'ancienne église Notre-Dame (disparue à la révolution).
Parvenus au bout de la place, on débouche rue du Commandement Unique...et pour en savoir plus sur ce nom, direction l'hôtel de ville tout proche !
La mairie fut construite de 1896 à 1898 sur les plans de l'architecte amiénois Bienaimé. A l'intérieur, l'escalier d'honneur qu'on emprunte (nous allons au premier étage) est orné d'un vaste vitrail offert par Charles Saint.
Il représente le travail, le commerce, la liberté, l'égalité et la fraternité. Une fois à l'étage, à côté de la salle du conseil municipal, on découvre la salle dite "du commandement unique" où s'est tenue, le 26 mars 1918, une réunion entre les représentants des gouvernements français et britanniques et les chefs des armées des deux pays (dont Clémenceau, Pétain, Poincaré, Foch, Haig, Montgomery...).
A l'issue de la réunion, le commandement de toutes les troupes fut confié au maréchal Foch. La salle a été reconstituée à l'identique en 1937-1938. Un grand vitrail de Pierre et Gérard Ansart, deux toiles de Jonas, des bustes et objets évoquent cet événement. La table et les fauteuils sont d'origine et le plan de table avec le nom des participants et leurs portraits a été reconstitué.
A quelques mètres de l'hôtel de ville s'étend la place Thélu, avec ses maisons issues de la reconstruction et surtout avec les intéressantes ruines de l'église Saint-Pierre (et là notre fin de parcours se fera sous le soleil d'une fin de journée de décembre 2016).
Elle a été construite au début du 13ème siècle et terminée en 1220. Elle comprenait alors une nef (les vestiges actuels) à trois niveaux d'élévation (deux seulement sur le côté sud où le triforium est remplacé par un mur aveugle), un transept et un choeur (aujourd'hui disparus et qui s'étendaient sur 14 mètres là où passe la rue qui s'appelle...rue du chevet Saint-Pierre !).
Déclarée bien national à la révolution, le mobilier fut confisqué et l'édifice démantelé. L'église connut ensuite plusieurs propriétaires et plusieurs affectations (grande, atelier de menuiserie...).
Au début du 20ème siècle, il fut question de la détruire.
Elle est finalement (et heureusement) classée parmi les monuments historiques en 1924 puis restaurée et consolidée.
On rattrape ensuite la rue Jacques Mossion pour tourner à droite, dans la rue du Musée, pour rejoindre...le musée !
Musée que l'on doit à Jules-François Lombart, industriel chocolatier qui le fit construire afin d'abriter les oeuvres d'art qu'il collectionnait. Il fit don ensuite du bâtiment à la ville, en 1908, date de son inauguration. On peut y admirer des peintures de l'école française des 18è et 19ème siècles (un Corot, un Chardin, plusieurs oeuvres des frères Bail mais aussi des peintres locaux dont Félix Niaut) ainsi que plusieurs lithographies de Francisque Poulbot.
La visite du musée se poursuit quelques mètres plus loin dans la chapelle de l'ancien couvent de Louvencourt où l'on peut voir des collections archéologiques. La chapelle est ainsi le refuge d'une momie vieille de 3500 ans mais aussi de Florimond long minton, le géant de la ville (l'un des 5 géants que compte la Somme, dont il est, avec celui de la ville de Ham, T'chout Jaques, le doyen). Né dans les années 1935, il fut détruit en 1944 alors qu'il "habitait" l'ancienne salle des fêtes située sur la place Thélu.
En 1952, des doullennais passionnés le font revivre (et une troisième version, allégée et plus flexible vit le jour en 2007).
Et c'est au pied de Florimond que s'achève notre parcours à Doullens. On pourra aussi flâner dans les petits jardins du musée, peuplés de statues et s'asseoir autour du puits des Marmousets (17ème siècle). Il se trouvait à l'origine rue du Puits du Bourg et fut reconstitué ici en 1912.
(et si le coeur vous en dit, après Doullens il ne faut pas manquer la visite du village de Lucheux à quelques kilomètres)