La petite église de Sains-en-Amiénois, qui mord sur la départementale 7, obligeant les automobilistes à ralentir, et dont l'aspect extérieur peine à retenir l'attention puise pourtant de lointaines origines (6ème siècle). Elle fut édifiée à l'emplacement de la tombe des saints Fuscien, Victoric et Gentien à qui elle est dédiée et dont elle abrite l'admirable tombeau.
Vers 303, Fuscien et Victoric, deux nobles romains chargés d'évangéliser le nord de la Gaule, traversèrent Amiens mais sans s'y arrêter car le préfet Rictiovare y pourchassait alors les chrétiens. Ils furent accueillis à Sama (Sains) chez Gentien, un aubergiste qui leur appris que Quentin, leur chef de mission avait été martyrisé. Gentien, après avoir reçu le baptême, entreprit de cacher Fuscien et Victoric mais en vain, Rictoviare les découvrit et il fut décapité et Fuscien et Victoric emmenés vers Amiens pour y être jugés. Ils furent torturés plusieurs fois en chemin puis décapités dans un bois (où plus tard un monastère sera fondé ; monastère autour duquel se développa le village actuel de Saint-Fuscien).
Le lieu de sépulture des trois hommes resta longtemps ignoré et la légende veut qu'il ait été dévoilé en 556 par un ange à Lupicien. Une petite chapelle fut alors élevée juste au-dessus qu'Enguerrand de Boves fit remplacer par une église romane vers 1105. Cette dernière fut agrandie puis reconstruite à la fin du 15ème siècle, début du 16ème siècle pour nous donner l'église actuelle.
Jugée "indigne" d'abriter le tombeau des trois martyrs (il est vrai que son architecture n'offre rien de remarquable), les architectes Henry et Georges Antoine présentèrent au début du 20ème siècle, les plans, assez ambitieux, d'un nouvel édifice pour la remplacer. Le nouvel édifice devait s'élever selon un autre axe, perpendiculairement à l'ancienne église et orienté nord/sud ; une grande chapelle prolongeait le bras du transept à l'ouest et était destinée à abriter le tombeau. La guerre de 1914/1918 vint stopper net le projet.
Bâtie en pierre sur un soubassement de briques, l'église se compose d'une nef, terminée par un choeur à chevet plat (modernisé -reconstruit ?- peu avant la révolution) ; flanquée au nord par un collatéral. Si l'extérieur, banal et sans réel intérêt, ne retient guère l'atention, l'intérieur en revanche recèle un riche mobilier.
Outre le mobilier des 18 et 19ème siècles (maître-autel, reliquaires, statues et tableaux), on pourra voir un autel gallo-romain avec des sculptures d'Hercule et de Mars et des déesses Levena et Educa ; une stèle funéraire (copie) mérovingienne représentant un enfant et sa famille (ces pièces archéologiques furent découvertes au cours de fouilles menées dans les années 1860 ; en même temps que le cimetière qui entourait alors l'église était nivelé, l'abbé Messio fit procéder à l'abaissement du sol de l'église à l'intérieur mettant au jour diverses pièces qui furent placées dans l'église).
Dans le choeur, se trouve l'imposant tombeau des saints martyrs.
Dans le choeur, se trouve l'imposant tombeau des saints martyrs.
Exécuté à la fin du 12ème siècle (ou début 13ème) afin d'encourager les pélerinages, il consiste en une grande plate-tombe supportée par 6 piliers à colonnettes engagées reposant sur une dalle sur laquelle existe encore le sarcophage, quoique brisé et vide, qui accueillit les corps des saints (au 9ème siècle, les reliques furent déplacées à Amiens puis dispersées dans les abbayes de Corbie et de Saint-Riquier et à la collégiale de Saint-Quentin).
La plate-tombe compte deux registres iconographiques : les saints sont représentés dans la partie supérieure tandis qu'en-dssous est figurée la décapitation de Fuscien et Victoric en présence de Rictoviare et à côté les deux saints portant leur tête.
En quittant le choeur, on remarquera, insérée dans l'un des piliers, à droite, l'épitaphe remontant à l'époque mérovingienne, vestige de la toute première église.
Enfin les vitraux, dessinés par Gérard Ansart en 1954 retiendrons notre attention ; réalisés par l'atelier amiénois Pasquier, ils relatent l'histoire des trois saints martyrs.