Fondation cistercienne remontant au 12ème siècle, l'abbaye de Valloires présente un bel ensemble de bâtiments des 17ème et 18ème siècles dont l'abbatiale qui conserve sa somptueuse décoration rocaille.
En 1137, Guy II de Ponthieu signa avec des moines cisterciens la fondation d'une abbaye. Les moines, d'abord établis à Bonance vinrent se fixer à Valloires en 1158. L'abbaye prospéra rapidement et une première abbatiale fut construite en 1226 ; elle devint la nécropole des comtes des Ponthieu. Plusieurs fois endommagée au cours de la guerre de 100 ans puis au 16ème siècle, l'abbaye était dans un état de grand délabrement à la fin du 17ème siècle. Les bâtiments furent entièrement reconstruits de 1687 à 1735 mais plusieurs années plus tard, la vieille abbatiale du 13ème siècle qui avait survécu jusque là (bien qu'amputée de près de moitié) finit par s'effondrer. Dom Cormeau, le prieur, et monseigneur de la Motte, l'abbé, confièrent alors à l'architecte Raoul Coignart le soin d'ériger une nouvelle église qui fut consacrée en 1756.
Vendue comme bien national en 1790, l'abbaye fut rachetée -et sauvée- par Ambroise-Léopold Jourdain de l'Eloge, seigneur d'Argoules (qui racheta aussi le prieuré de Moreaucourt près de Flixecourt). A sa mort en 1808, les bâtiments furent revendus aux Basiliens auxquels succédèrent les religieux de Saint-Vincent de Paul qui transformèrent l'abbaye en orphelinat de 1887 à 1906.
Sous l'impulsion de plusieurs personnalités locales, l'abbaye est classée MH en 1907 ; abandonée ensuite jusqu'en 1915, elle devint hôpital militaire pendant la première guerre mondiale.
En 1922, Thérèse Papillon y fonde un préventorium. L'association en est toujours propriétaire et l'abbaye accueille aujourd'hui des enfants en difficulté.
A la fin des années 1980, le paysagiste Gilles Clément a créé des jardins qui viennent compléter de belle manière la visite de l'abbaye.
Les bâtiments de l'abbaye se développent au-delà d'une vaste cour de dépendances en fer à cheval et s'organisent autour d'un cloître voûté en arêtes en brique et pierre. Sur la façade Est s'épanouit un poirier, planté ici en 1756 (l'un des plus anciens de France).
la salle capitulaire (en haut) et le réfectoire (en bas)
On entre d'abord dans la salle capitulaire, voûtée d'ogives (en face se trouve le réfectoire, dans une ambiance nettement moins gothique) puis dans le cloître. Un détour nous amène dans le grand salon aux belles boiseries réalisées par Pfaff.
Baron autrichien, Simon von Pfaffenhofen, dit "Pfaff" avait été contraint de s'exiler à la suite d'un duel à Vienne et s'était établi à Saint-Riquier vers 1750 où il se maria. C'est lui qui réalisa les décors de Valloires mais aussi ceux de la chapelle de l'hôtel-Dieu de Saint-Riquier, de l'abbaye de Cercamp... On trouve certaines de ses oeuvres également dans les églises d'Agenvillers, Neuilly le Dien ou encore Vitz ou Domvast).
les boiseries réalisées par Pfaff et le portrait de Dom Cormeau par Parrocel
Le grand salon compte également deux belles peintures qui se font face et représentant Dom Cormeau, prieur de l'abbaye et Monseigneur de la Motte, abbé commendataire, toutes deux dues à Joseph Parrocel (1704-1781). C'est aussi à Parrocel que l'on doit les 4 peintures ornant les boiseries de la sacristie (1752-1753) : l'adoration des Bergers (non visible sur la photo qui suit), la fuite en Egypte, Jésus chez les docteurs et Jésus au jardin des Oliviers. Notons enfin que le trumeau comporte une peinture représentant Saint Jérôme au désert qui pourrait avoir été réalisée par Boucher.
les boiseries de la sacristie par Pfaff et trois des quatres peintures de Parrocel
Après le salon et le sacristie qui constituent comme une mise en bouche du talent de Pfaff, on entre dans l'abbatiale. De dimensions modestes, elle conserve presqu'intacte toute sa décoration rocaille du 18ème siècle.
Le confessionnal, la tribune et le buffet d'orgues, le maître-autel avec ses anges adorateurs, la chaire, les 28 stalles de moines, la grande stalle de l'abbé, celle du prieur, les statues, les cénotagphes des monuments funéraires sont dus au ciseau de Pfaff.
le choeur de l'abbatiale avec (contre la fenêtre axiale, photo ci-dessous) une peinture "scène du calvaire" signée Le Brun
Les grilles richement ornées qui séparent la nef du choeur sont dues quant à elle au Vivarais (qui travailla aussi à la cathédrale d'Amiens et au château d'Heilly) ; le ferronnier réalisa également l'incroyable crosse-palmier (plus de 6 mètres de haut) du maître-autel.
Enfin, outre le mobilier du 18ème siècle, on remarquera dans le croisillon sud deux gisants du 14ème siècle (ceux de Simon de Dammartin et de sa femme Marie de Ponthieu).
Nécropole des comtes de Ponthieu, l'église renfermait une quinzaine de gisants aujourd'hui disparus mais dont les ossements ont été réunis et placés au pied de l'autel au moment de la reconstruction de l'abbatiale.
Après avoir visiter l'abbaye il ne faut pas manquer de faire un détour par les jardins. Inaugurés en 1989 après deux ans de travaux, ils ont été créés par Gilles Clément.
Les jardins se composent de plusieurs parties dont un jardin régulier qui abrite une roserais avec une centaine de variétés, prolongé d'une grande pelouse rejoignant un cloître végétal ; l'ensemble est bordé par des jardins bleu, jaune, blanc...