Commune industrielle de la vallée de la Nièvre, Berteaucourt a la chance de conserver de beaux témoins de l'abbaye de religieuses (ces "dames" qui s'ajoutèrent à son nom) établie ici au 10ème siècle et qui prospéra jusqu'à la révolution ; notamment son ancienne abbatiale, l'un des vieux édifices religieux du département.
L'abbaye de religieuses bénédictines de Berteaucourt fut fondée à la fin du 10ème siècle. Prospère, l'abbaye parvint à s'attirer, grâce à Angélique d'Estrées (soeur de Gabrielle, la "presque reine"), la protection du roi et devint royale au début du 17ème siècle.
Déclarée bien national à la révolution, les bâtiments conventuels et l'enclos furent vendus en 1796 et peu à peu détruits, à l'exception de l'église, devenue paroissiale, et du logis abbatial. Ce dernier, laissé pendant plusieurs décennies à l'abandon par son propriétaire a été restauré dans les années 1990-2000. Le mur tout proche garde des traces de l'ancien portail d'entrée (aujourd'hui muré et découronné) tandis qu'une grille (du dernier quart du 18ès -ancienne grille de choeur de l'église) a été installée à côté.
L'ancienne abbatiale fut probablement construite dans le deuxième quart du 12ème siècle. Elle comptait alors une nef à 7 travées, flanquée de bas-côtés, et un choeur à deux travées à abside semi-circulaire.
Le clocher fut édifié au 13ème siècle, sur la première travée du bas-côté sud (restauré en 1745 puis surélevé et coiffé d'une flêche en 1766).
Au cours du 16ème siècle, des travaux modifièrent sensiblement l'église : le portail fut maladroitement remanié : les ébrasements abaissés et des pilastres cannelés placés entre les chapiteaux et les voussures ; et on détruisit les absidioles.
L'abbaye fut déclarée bien national à la révolution et l'église, abandonnée et dévastée vit les parties qui étaient réservées aux religieuses détruites (le choeur, le transept et les deux dernières travées du choeur). Devenue paroissiale après le Concordat, elle bénéficia de plusieurs campagnes de travaux de restauration/reconstruction : en 1863 d'abord, on consolida le clocher et le portail, le couvrement de la nef fut refait et le bas-côté sud relevé ; puis de 1875 à 1878, sous la direction d'Edmond Duthoit, les vestiges du transept et du choeur sont rasés : le bas-côté nord est alors relevé et une abside semi-circulaire construite à l'extrémité de la nef.
à gauche, plan de l'abbatiale dressé en 1873 par Duthoit (en noir, les parties qui subsistaient),
à droite, le plan de l'église après les travaux de reconstruction
(parties romanes en noir, en gris le clocher du 13ès et en blanc les parties reconstruites)
L'église actuelle est beaucoup plus petite que l'abbatiale d'origine, elle compte 5 travées, elle est flanquée de bas-côtés et prolongée d'un choeur à deux travées.
Les grands arcs brisés de la nef reposent alternativement sur des piliers circulaires et fasciculés. La nef est couverte d'un lambris en plein cintre, les bas-côtés en demi-berceau.
Du mobilier intérieur, on retiendra surtout le beau monument funéraire d'Antoinette d'Halluin, abbesse de Berteaucourt morte en 1586. Le monument, en pierre polychrome, fut réalisé en 1605 (il a été commandé par Angélique d'Estrées). Le haut relief représente le Christ au jardin des oliviers ; au premier plan on reconnait Antoinette d'Halluin, agenouillée, suivie de la prieure.
Le monument d'Antoinette d'Halluin
De l'ancien mobilier de l'abbatiale, quelques pièces ont trouvé refuge dans d'autres églises du département, ainsi à Flixecourt on peut admirer la chaire et les orgues (tous deux du 18ès) et à Villers-Bocage, en plus d'une statue de sainte Barbe du 16ès, une belle mise au tombeau du 16ès :