La ville de Péronne, dans l'est du département, a connu une histoire mouvementée. Plusieurs fois envahie, détruite, elle s'est à chaque fois relevée et garde de son passé plusieurs monuments intéressants dont son église qui fut reconstruite à l'identique dans les années 1920-1930.
Des 6 églises que comptait la ville avant la révolution, l'église Saint-jean-Baptiste est la seule qui soit parvenue jusqu'à nous. C'est un bel édifice de style gothique flamboyant qui fut construit entre 1509 et 1525 ; le clocher quant à lui est plus tardif, il fut achevé en 1540.
Déjà endommagée lors du conflit contre la Prusse en 1870, l'église le fut encore 14/18 : dès 1914, les allemands l'occupèrent et transformèrent le clocher en poste d'observation où ils installèrent une mitrailleuse lourde. En 1916 et 1917, elle fut plusieurs fois bombardée puis presque totalement anéantie lors de la retraite allemande en 1918 par des explosifs visant le clocher. Au sortir de la guerre, il ne subsistait que quelques pans de murs et le clocher avait disparu.
S'il fut décidé dans un premier temps de laisser les ruines en l'état pour témoigner de la barbarie guerrière et de construire un nouvel édifice, on choisit finalement de relever l'église à l'identique. Et c'est Henry Moreau (qui travailla également à Montdidier, Ham, Tilloloy ou encore à Falvy) qui en dressa les plans en 1925. Six millions de francs furent consacrés au chantier qui s'acheva en 1932. L'architecte s'employa à récupérer tant que possible des pierres anciennes et des éléments sculptés ; le clocher fut rebâti à neuf et l'intérieur retrouva un mobilier fidèle à celui disparu.
En 39/45, Péronne subit à nouveau des bombardements qui détruisirent près de 30% de la ville mais l'église fut épargnée (à l'exception des vitraux de Grüber qui furent soufflés en 1944 par l'explosion d'un wagon de munitions).
L'église a été batie sur le plan des églises-halles : la façade, assez sobrement décorée compte trois portails ouvrant sur trois nefs de longueur et hauteur égales (si ce n'est toutefois la nef gauche dont l'angle est rabattu) se terminant par un chevet plat.
A l'intérieur, les voûtes en palmier ont retrouvé leurs clefs sculptées et le mobilier restitué à l'identique : la chaire (dont les panneaux racontent la vie de Saint-Jean-Baptiste), les grilles du 18ès (qu'on attribue à Vivarais), le maître-autel et l'autel voisin dédié à la Vierge qui comportait un tableau attribué à Fragonard (volé en 1917 et remplacé par une copie).
Dans la chapelle Saint-Fursy, relativement épargnée en 14/18, on peut encore admirer une grande et belle peinture murale datée de 1601 "la bonne mort" (thème rare dont on ne trouve en France qu'une dizaine d'exemplaires). Elle présente trois niveaux de lecture : en bas, un mourant allongé sur un lit est assisté de moines et de Saint Jacques, son protecteur, demande à la Vierge d'intervenir auprès du Sauveur pour le salut de son âme ; Marie est accompagnée d'anges à sa gauche et de saints à sa droite qui lui demandent d'écouter le mourant.
Au-dessus de la composition, Dieu, le Christ et le Saint Esprit, symbolisé par la colombe.
En bas à droite, la présence d'une fillette laisse penser que les commanditaires de l'oeuvre, Jean Roussel et sa femme Jacqueline Aubé (qui sont représentés à droite et à gauche) ont voulu, par cette peinture, exprimer le souvenir d'une enfant décédée.
Cette peinture murale qui avait été couverte d'un badigeon en 1775 fut redécouverte en 1848, date à laquelle elle fut restaurée et modifiée en plusieurs endroits (notamment les textes des phylactères qui furent francisés). Elle a été à nouveau restaurée dans les années 2010 et a retrouvé tout son éclat.
Avant de quitter l'église, on ne manquera pas de jeter un oeil sur l'imposant orgue Cavaillé-Coll (1932) qui remplace l'ancien instrument de Mutin et sur les très beaux vitraux de Grüber (1931-1932) qui subsistent.