Au coeur de l'ancienne capitale du Ponthieu, au milieu des immeubles en briques de la reconstruction, la collégiale Saint-Vulfran dresse sa silhouette aux allures de cathédrale et présente aux passants sa façade, véritable chef-d'oeuvre de style gothique flamboyant.
L'église fut commencée en 1488 mais les fonds venant à manquer, le chantier fut interrompu en 1539. Seules la façade et la nef jusqu'au premier mur du transept étaient alors élevées. Les travaux reprirent tardivement, sur des plans moins ambitieux et à l'économie, de 1661 à 1663 : le choeur fut édifié dans le prolongement de la nef, mais dans un style gothique pauvre et sans caractère donnant à l'édifice son aspect original et inachevé.
Incendiée en 1940, la collégiale fit l'objet d'une longue et attentive restauration qui s'est étalée jusque dans les années 2000.
Pendant longtemps, le choeur fut seul ouvert au culte, séparé par une grande paroi de la nef qui fut réouverte au milieu des années 1990.
L'imposante façade de l'église dresse ses deux tours à 55 mètres de haut. Elle ouvre par trois portails abondamment sculptés.
La statuaire fut offerte par les corporations et les autres paroisses de la ville. Au tympan du portail nord, Saint-Eustache passant la rivière et sur celui du portail sud, une Vierge à l'enfant avec deux anges et à chaque côté Marie, mère de Cléophas et Marie Salomé (toutes deux dues aux ciseaux de Pierre Lheureux).
Les deux portails ont retrouvé en 1998 leurs portes du 17ème siècle, reconstituées à l'identique (elles avaient brûlé en 1940).
Le portail central lui, en revanche, a la chance de conserver ses vantaux renaissance en chêne (1550). Ils sont entièrement sculptés, on peut admirer des scènes de la vie de la Vierge, une frise avec des cavaliers et les apôtres et les évangélistes.
Au tympan figurait un Ecce Homo (aujourd'hui disparu) et de part et d'autre :
- à gauche Saint Pierre, Saint Jean l'évangéliste, Saint Eloi (ou Saint Vulfran)
- à droite Saint Firmin, Saint Germain l'écossais, un lion orné d'un manteau royal et présentant un écusson et Saint Paul.
A l'intérieur, les voûtes s'élèvent à 31 mètres de haut ; les piliers sans chapiteau et sans interruption s'élèvent jusqu'au plafond, accentuant l'impression de grandeur.
L'élévation est à trois niveaux : grandes arcades, triforium et fenêtres hautes. La nef est accostée de bas-côtés à chapelles latérales et se termine par le choeur, plus bas, et ses bas-côtés couverts en bois.
Malgré les destructions de 1940, la collégiale conserve un bel et intéressant mobilier, dans le bas-côté nord :
- la chapelle Saint-Louis conserve un retable de 1492 offert par la famille d'Ailly. Le haut relief représente la Nativité. Il fut repris (comme la plupart des retables de l'église) par les frères Duthoit et restauré en 1994.
- dans la chapelle des Saints Anges et Saint-Luc ensuite, l'entablement au dessus de l'autel remonte au 17ème siècle abrite un haut-relief en plâtre représentant le Jugement dernier (restauré ou exécuté par les Duthoit). En face se trouve un beau bas-relief renaissance "La femme adultère" (restauré en 1843).
On traverse la nef, la chaire du 17ème siècle a été replacée ici en 2002. Certains éléments avaient pu être sauvés en 1940 et l'on a reconstitué la chaire à l'identique.
Les chapelles Saint Quiriace et Sainte Anne
Dans le bas-côté sud :
- dans la chapelle Sainte-Anne, l'autel du 19ème siècle présente un entablement laissé vide. Il abritait un magnifique retable en bois peint du 16ème siècle de la vie de la Vierge (qui provenait de l'ancienne chartreuse de Thuison et qui est exposé désormais au musée Boucher de Perthes).
le retable de la Vierge (aujourd'hui au musée Boucher de Perthes)
- la chapelle Saint-Quiriace (ou Saint-Coeur) voisine est couverte de peintures de style art-déco réalisées par Bourgois en 1931 et présente, dans une niche, un Christ du 18ème siècle.
On passe les beaux fonts baptismaux du 17ème siècle et on parvient dans le choeur, qui fut bâti au 17ème siècle. Le style est radicalement différent : les piliers sont lisses et de facture grossière et la décoration se cantonne à des têtes d'angelots dans l'esprit renaissance aux clefs des arcs.
Le bas-côté sud se prolongeait jusque ici jusqu'à une chapelle dédiée à la Vierge, (trop) richement décorée du 19ème siècle et dont subsiste quelques éléments dans la niche.
On a replacé dans le choeur l'autel dit de Saint Vulfran orné de bas-reliefs illustrant la vie du saint, un lutrin du 18ème siècle et des vitraux non figuratifs de William Einstein (1960).
Depuis les années 1990, l'intérieur retrouve peu à peu son visage d'autrefois.
Peut-être un jour la tribune à l'entrée retrouvera-t-elle des orgues (et pourquoi pas l'instrument rescapé de feue l'église Saint-Jacques), la nef son beau dallage en marbre polychrome et le choeur ses grilles du 18ème siècle...?