L'agréable village de Suzanne au milieu des étangs de la Somme, dans l'est du département, pourtant totalement sinistré en 14/18, a la chance de conserver son beau château du 17ème siècle.
Le château tel qu'on l'admirer aujourd'hui résulte de plusieurs campagnes de restauration et d'agrandissements opérés du 17ème au 19ème siècle : c'est à Georges de Valpergue en 1619 que l'on doit la construction du corps de logis initial. Six ans plus tard, sa fille Louise apporte la terre de Suzanne dans la puissante famille d'Estourmel par son mariage avec Louis d'Estourmel. Ce dernier était issu d'une branche cadette de l'illustre maison dont les titres de gloire remontaient aux croisades ; leurs descendants conserveront Suzanne jusqu'à la mort du dernier marquis en 1978.
Au corps de logis furent ensuite adjoints des pavillons carrés aux angles puis une aile en prolongement à l'Est (en 1679) ; en 1750, François-Louis d'Estourmel (1695-1777) fit construire le gros pavillon en retour sur la cour d'honneur et élever de nouvelles dépendances (c'est à lui également qu'on doit la reconstruction de l'église) ; enfin de 1855 à 1861, Louis-Henry, marquis d'Estourmel (1816-1877) fit opérer une restauration "radicale" des bâtiments par l'architecte Parent : les maçonneries extérieures furent entièrement renouvelées et enrichit de motifs et ornements dans un style Louis XIII assez lourd, faisant perdre au château de son authenticité ; une autre aile en prolongement du corps de logis fut construite pour faire pendant à l'autre et des tourelles furent ajoutées sur la cour.
Les intérieurs reçurent à cette même époque une somptueuse décoration. Et notamment l'escalier d'honneur dont la volée principale, les volées secondaires et les paliers étalent une profusion de marbre et de stucs rouges sous un beau plafond à l'italienne peint en trompe-l'oeil.
L'escalier d'honneur et son plafond
Une autre pièce retient l'attention : la salle à manger décorée dans le style renaissance, avec un plafond à solives peintes et armoriées et surtout une imposante cheminée portant une statue de Jean d'Estourmel, héros du siège de Péronne en 1536, et dont les flancs dissimulent des accès permettant de descendre et de rejoindre le rez-de-chaussée.
La cheminée de la salle à manger
A l'arrière du château s'étend un vaste et agréable parc composé d'étangs et de bois.
Gilles, dernier marquis d'Estourmel, souhaitait faire don de Suzanne à l'Etat mais le legs tarda et fut finalement refusé. Entre temps, le château fut cambriolé et pillé. Il fut heureusement acquis en 1981 par l'animateur Yves Lecoq (alors propriétaire du château voisin d'Hédauville) qui pendant 18 ans le restaura et le remeubla avec une remarquable sûreté de goût. Revendu à la fin des années 1990, le château a retrouvé de nouveaux propriétaires qui en poursuivent l'entretien et la préservation.