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...de couvents, la chartreuse de Thuison-lès-Abbeville


Dans cet ancien faubourg d'Abbeville, près du cimetière de Notre-Dame de la chapelle, un élégant bâtiment du 18ès nous rappelle qu'ici s'étendait un établissement de chartreux.

Ces religieux vont nous servir de prétexte pour s'intéresser à deux très beaux retables du 16ème siècle...

La chartreuse de Thuison-lès-Abbeville, dédiée à saint Honoré, fut fondée en 1300 par Gilles (Guillaume ?) de Mâcon, évêque d'Amiens et la communauté s'établit sur les terrains d'une ancienne commanderie de templiers.

Bâtiments et église étaient achevés en 1307 ; plusieurs fois dévastés aux 14è, 15è et 16ème siècles ; de généreux donateurs permirent à chaque fois de les restaurer et les relever.

la chartreuse au 16ème siècle

Supprimée à la révolution, la chartreuse fut déclarée bien national et ses biens dispersés ; en 1796, la maison des religieux et l'église sont détruites. Les bâtiments subsistants connurent des fortunes diverses par la suite (ils abritèrent notamment une verrerie puis une filature de lin au 19ès).

Aujourd'hui, il reste sur la grande rue de Thuison, une partie du mur d'enceinte de l'établissement ainsi qu'une belle entrée monumentale et un corps de bâtiment en brique et pierre, reconstruits au milieu du 18ès.

On sait que le choeur des frères de l'église était richement décoré et comprenait plusieurs autels et retables dont le programme iconographique était dédié à la Vierge, à saint Honoré et à la Passion du Christ. Trois retables nous sont connus :

- celui du maître-autel, aujourd'hui disparu, qui était consacré à la vie du Christ. Il remontait au dernier quart du 15ème siècle et comportait, probablement, au centre, une crucifixion et à droite la flagellation (ou le portement de croix) et à gauche la déploration (ou la mise au tombeau).

Il était protégé par quatre panneaux mobiles (8 aujourd'hui car ils furent dédoublés au milieu du 19ès). Ils présentaient, quand le retable était ouvert : l'entrée à Jérusalem, la cène, l'ascension et la pentecôte et, quand le retable était fermé, les figures de la Vierge, de saint Honoré, de saint Hugues et de saint Jean-Baptiste.

les panneaux du retabe du maître-autel

A l'exception de l'entrée à Jérusalem (au musée de Saint-Petersbourg), tous les panneaux sont exposés au musée de Chicago.

- celui de saint Honoré, exécuté dans les premières années du 16ème siècle, en chêne, présente trois scènes de la vie du saint (cf photo et schéma). Il comprenait aussi des volets (hélas disparus) qui représentaient la cène, le portement de croix et Jésus au mont des Oliviers.

En 1792, l'abbé Delahaye, réfugié au Crotoy, racheta le retable à un brocanteur qui l'avait acquis lors de la dispersion des biens des chartreux ; il en fit don ensuite à l'église du Crotoy où il se trouve toujours.

- celui de la Vierge, qui faisait pendant au précédent et qui avait été réalisé à la même époque. Le retable connut un parcours mouvementé : il fut d'abord acheté par monsieur Decaieu à la révolution qui l'entreposa d'abord chez lui avant de l'installer en 1802 dans l'église Saint-Paul (voir note à la fin de l'article) qu'il avait rachetée avec d'autres paroissiens. Il y resta jusqu'en 1926, date à laquelle on le transporte à Saint-Vulfran, dans la chapelle Sainte-Anne. Décorée par les Duthoit, un espace avait été laissé vide (il devait accueillir un bas-relief "l'échelle de Jacob") ; une niche en pierre fut alors créée spécialement pour le retable. Ayant échappé à l'incendie de 1940, il fut entreposé après la guerre pendant quelques années à l'hospice Dumont. Il est exposé depuis 1954 au musée Boucher de Perthes d'Abbeville.

La polychromie n'est pas d'origine, elle remonterait à 1926 (peut-être le retable n'en comportait-il pas à l'origine ou au contraire fut-il décapé au 18ès, les hypothèses restent ouvertes).

Le retable est dédié à la Vierge et évoque aussi saint Jean-Baptiste (cf photo et schéma) par les deux petites scènes surmontant la partie centrale.

Les volets, disparus, représentaient la descente de croix, la mise au tombeau et le noli me tangere.

Il était surmonté de statues de la Vierge et des saintes Barbe et Catherine.

(l'église Saint-Paul d'Abbeville : on peut encore en voir quelques ruines depuis la chaussée d'Hocquet. Elle avait été reconstruite au 16ès (le choeur en 1528 et la nef en 1551). Déclarée bien national à la révolution, elle fut rachetée par des paroissiens -dont monsieur Decaieu, acquéreur du retable de la Vierge-, qui la cédèrent à la ville en 1841. Laissée sans entretien pendant de longues années puis abandonnée, elle s'effondra partiellement en 1939 ; une vingtaine d'années plus tard, elle avait perdu voûtes et toitures.)

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